Gémellités nouvelle ajoutée le 07/05/2010 à 15h45
Par Jean-Pierre Desthuilliers
Quel est cet Autre en moi qui se cache et m’épie
Lové tel un serpent figé entre deux songes,
Attentif à mon geste, et m’observe, curieux
De connaître le sens secret de ma posture ?
Cet autre qui surprend chaque ombre du regard,
Interprète patient des désirs dénudés,
Confident du silence et des mots retenus
Des phrases assemblées jointoyant leurs fractures…
Mon autre indissociable et pourtant séparé
Autonome reflet qui me trompe et m'abuse
En se prenant pour moi et me prenant pour autre,
Mon gémeau compulsif et cependant discret,
Mon double renversant qui a chaud quand j'ai froid,
Qui semble être joyeux de mes mélancolies,
S'amuser de mes peurs et craindre mes amours,
De notre altérité qui donc tient la balance ?
Nous sommes toi et moi comme lune et soleil,
Comme clair et obscur sur le cadran des ombres,
Comme pair et impair à l'échelle des nombres,
Nous sommes je noués d'inextricables liens.
Suis-je quand ma nuit vient, et que ton jour se lève,
Cet autre au fond de toi qui se love à son tour,
L'inconnu de ton rêve, et la réminiscence
De mondes incertains peuplés d'autres désirs ?
Autre intime et muet, geôlier de tes vouloirs,
Aux tréfonds de toi-même épris de ta parole
Au point de m’imposer à moi-même silence
Qui suis-je, à te rester fidèle, et cependant
Jaloux de ton destin s'il traverse le mien ?
Ô mon autre dis-moi dis-nous pourquoi nous sommes
Tous deux si différents, et si proches, que nul
Ne voit que notre couple engendre nos deux moi ?
© Jean-Pierre Desthuilliers - Ce texte est la propriété de l'auteur. Sa reproduction intégrale ou partielle en est strictement interdite.
COMMENTAIRES


C'est bizarre : moi, j'y vois le Maupassant du Horla ! Peut-être parce que la poésie a cette faculté d'enclencher notre mémoire culturelle, en plus de titiller notre imagination. Et merci à l'auteur de ne pas avoir cité Maupassant, Dantec ou je ne sais qui : c'est heureux.

A propos de M.G. Dantec.
Le projet "schizotrope" auquel il a participé aborde entre autres le thème de la fusion un-multiple.
Ici, le sujet de la réflexion, elle même non-prosaïquement exprimée, est plutôt celui du retournement de l'apparemment-un, qui se révèle être un dedans-dehors double,dont les deux personnalités alternent dans leur rôle, et ne peuvent, à l'image des pôles magnétiques, exister dissociées de leur parèdre.
Par ailleurs, le cheminement poétique est en général non-didactique : il veut éclairer sans démontrer, déclencher un ressort sensible plus qu'une théorie intelligible, faire ressentir et non faire admettre.
En quelque sorte, une rectoversion organique.
Il n'en reste pas moins vrai que les deux thèmes ont en commun la traversée d'un des miroirs de l'apparence.
C'est bizarre, je ne vois nulle part le nom de Maurice Dantec. Sans doute un oubli malheureux.